‘Oh Dani Ceballos !’, ou l’art de se faire adopter en quelques instants

Pour Sid Lowe et le Guardian, Dani Ceballos est revenu sur son adaptation au football anglais quelques semaines après son arrivée dans le nord de Londres. Le milieu de terrain y évoque son adaptation à Arsenal, les raisons qui ont fait d’Anfield un moment à part, et cette façon qu’il aura de supporter la pluie, la neige et le Boxing Day. Transcription. 

Tout commence par une chanson. Dani Ceballos l’écoute attentivement, rit et regarde le sol, timidement. « Surprenant« , marmonne-t-il. Les fans d’Arsenal étaient certains de son niveau, ou en avait l’espoir – il vient du Real Madrid après tout – mais vous ne quittez pas ce club à moins que quelqu’un le veuille et très peu en espéraient autant, aussi vite. Même lui. Deux passes décisives, plus de ballons touchés, de passes et de dribbles que n’importe qui et ce moment magique où, avec le ballon, il tourna sur lui-même en conservant le ballon dans les pieds et s’en sorti, laissant les supporters chanter son nom. Et un Espagnol sur le terrain se demandant si c’était vraiment son nom que le foule était en train de scander.

Oh Dani Ceballos.

« Je suis très reconnaissant« , dit-il. « C’était mon premier jour et c’était comme si je jouais en Angleterre depuis 10 ans. »

Il est de retour en Espagne, assis au soleil à Las Rozas, le QG de l’équipe nationale. 20 jours sont passés depuis la victoire face à Burnley, une période au cours de laquelle il se souvint que ce ne serait pas toujours comme ça – à Anfield, il pouvait à peine respirer et il démarra le North London Derby sur le banc – mais il ne put s’empêcher de sourire. Me encanta, il ne cesse de répéter avec l’accent du sud de l’Espagne: je l’adore.

« J’adore la ville, j’adore la Premier League et j’adore Arsenal. Je suis simplement très très heureux de faire partie de ce grand club. Je n’ai remarqué que très peu de différences de taille entre le Real Madrid et Arsenal. Et les fans sont des passionnés, ils adorent les joueurs. C’est beaucoup plus facile de s’adapter parce qu’ils vous permettent d’avoir l’impression d’être au club depuis toujours. J’adore la façon dont chacun m’a traité depuis mon arrivée. Ils ont placé une énorme confiance en moi. »

La confiance est un thème récurrent, l’opportunité et le sens du placement également. Le talent, il n’en a jamais manqué. Né et élevé à Utrera, comme Joé Antonio Reyes, les parents de Ceballos vendaient des churros dans un van pendant qu’il jouait au football. « Une petite et modeste ville. »

En grandissant, il avait toujours ce sourire niais et passait son temps à chanter dans sa tête. Il rejoint Seville à 8 ans, est libéré par le club à 13 avant de s’engager en faveur du Betis à ses 17 ans. Le jour de son essai, ils le firent sortir du terrain rapidement parce qu’ils en avaient vu assez et voulaient le cacher des yeux des recruteurs du Real Madrid ou de Barcelone.

A 20 ans, ces clubs sont revenus à la charge, avec un Real Madrid plus prompt afin de battre Barcelone sur le dossier. Ce départ ne fut finalement pas une grande réussite. Son départ en prêt à Londres est un signe de la détermination toujours croissante de Ceballos à réussir. Sous Zinedine Zidane, les opportunités furent rares: sur le terrain seulement 16% du temps de jeu global du Real Madrid lors de sa première saison. Il évoqua alors un ostracisme lors d’une interview à Radio Marca: « Il y a des moments où vous vous rendez compte que c’est impossible: à des moments Kroos et Modric étaient tous deux blessés mais il changeait son système pour intégrer d’autres joueurs. »

Il avait alors admis que si Zidane était resté à la tête du Real, il serait parti. Finalement, ce fut Zidane qui quitta le club. Et, 6 mois plus tard, Zidane est revenu. Ceballos ne démarra qu’un seul des 11 matches après le retour de Zidane, l’obligeant à s’entrainer avec un coach personnel pour ne pas perdre la forme.

Cet été, Zidane essaya de le retenir. L’un des anciens coachs du joueur évoqua même l’aberration du traitement réservé à Ceballos. Difficile de ne pas être d’accord. « Il faut savoir être réaliste » affirmait le joueur. « Les deux très bons matches que j’ai réalisé avec Arsenal jusqu’ici sont des expériences que je n’ai pas connu lors de mes deux années à Madrid. Je n’ai pas joué beaucoup mais c’est également vrai que je n’ai pas réalisé mes meilleurs matches lorsque j’ai eu l’opportunité de jouer. C’est lié à la confiance mais il faut s’avoir faire son auto-critique. »

Dès le premier jour à l’Emirates, les fans d’Arsenal étaient certains de ce qu’ils voulaient: voir Dani rester la saison prochaine. Même si quelques doutes survinrent juste après, ils n’ont pas trouvé d’écho. Liverpool finit par battre Arsenal et Dani démarra le match face à Tottenham sur le banc, soulevant des questions d’équilibre et d’intégration d’un joueur comme lui. Il y a quelque chose dans son style, cette liberté, cette pointe d’anarchie qu’il faudra toujours surmonter. Mais le talent est bien trop important pour être ignoré. Et selon ses mots, il poursuit son adaptation. Sa propre analyse de ses défauts est parfaite.

Liverpool était, pour Ceballos, une leçon. Cela lui prit un moment afin de se remettre les idées en place. « Je n’ai jamais vu quelque chose comme ce qui s’est passé à Anfield; je n’ai jamais vu une équipe jouer aussi bien, presser aussi bien, avec le soutien des fans tout au long du match. »

« Ils vont asphyxient. Vous passez tellement de temps à défendre que quand vous avez le ballon et voulez en faire quelque chose, quand vous voulez respirer, ils sont à nouveau sur vous. Ils sont très structurés. »

Est-ce une chose qu’Unai Emery tente de reproduire ? « La comparaison est impossible à l’instant T. Nous travaillons sur des idées similaires mais Jürgen Klopp est arrivé à Liverpool en 2015. Unai est arrivé l’année passée. Arsenal a fini à seulement 1 point de la 4ème place et à un cheveux de remporter l’Europa League; son arrivée est positive. Dans quelques années Arsenal sera dans le top 10 mondial, et sera un concurrent pour tous les trophées. »

« Nous avons une très bonne équipe, compact et avec trois joueurs offensives qui font des différences. Vous pouvez comparer Aubameyang à Ronaldo lorsqu’il était à Madrid dans la mesure où il joue très proche du but et vit pour marquer. Il est très important pour nous, il est fondamental. Nicolas Pépé est très direct. Et Alex Lacazette est, selon moi, le meilleur joueur: il comprend parfaitement le jeu, et nous apportera énormément, s’il est à 100%. »

« Faire en sorte que chacun trouve sa place dans l’équipe doit être un casse-tête pour le manager », affirme Ceballos en rigolant. « Je ne crois pas que le coach ait utilisé le même 11 lors de chacun des 4 premiers matches, ce qui nous permet de rester alertes. Contre Tottenham, ce fut mon rôle de rester sur le banc et j’ai compris mon rôle. »

« Emery me connait bien et veut que je montre ma personnalité, mon désir d’apprendre. Je suis encore jeune. Je suis passionné de football. Je peux jouer en tant que 10 ou 8, mais je sens que j’ai la responsabilité d’être un leader, de demander le ballon dans les moments délicats, de ne pas me cacher, et de faire jouer l’équipe. C’est ce qui fait la différence entre les bons joueurs. C’est de dire ‘Je suis là’ quand l’équipe a besoin de vous. »

« J’essaie d’être positif dans mon jeu. Le meilleur moyen de tirer le meilleur de vous-même est d’apprécier ce que vous faites. Nous sommes une équipe qui aime le ballon, donc je me sens à l’aise. Les gens verront le meilleur de moi lors de la deuxième partie de saison. »

« Je suis un joueur qui essaie de défier l’opposition, de faire la différence et d’offrir un desequilibrio. » Desequilibrio n’est pas aisé à traduire: il se réfère à une volonté de déséquilibrer le jeu, faire pencher la balance, et implique et se défaire des tactiques et de la formation, de se libérer de sa camisole footballistique.

« C’est vrai qu’à des moments, mon désir de me trouver proche du ballon est trop fort et que je perds mon positionnement, » ajoute-t-il. « J’ai une grande marge de progression, et cela viendra avec l’expérience. Unai a clairement confiance en moi: il est l’un de ceux qui m’ont appelé et demandé de venir à Arsenal, en me promettant un rôle important et une idée du football que j’aimerais. »

« Je suis très supris en bien par son travail. Quand vous avez la confiance du coach, c’est beaucoup plus facile d’être performant. Je veux lui rendre ça. Nous, les footballeurs, nous avons des sentiments comme n’importe qui. Nous avons nos moments de doute et dans ces moments, il faut savoir être forts mentalement. Je mentirai si je disais le contraire… »

« Le fait de savoir que le coach vous fait confiance représente 60% de cela, le fait de savoir que si vous faites une erreur, il vous soutiendra… Cela ne fait que 4 mois donc il m’est difficile de porter un jugement mais de ce que j’en ai vu, c’est le championnat le plus compétitif en matièree de qualité globale et d’impact physique. Ce championnat a les plus hauts standards de niveau, les plus grandes exigences. Je dois m’adapter. »

En dehors du terrain, également. Alors que Reyes vivait à Cockfosters et ne rêvait que de retourner en Espagne, sa mère déclarant accidentellement à la radio qu’elle accepterait de vivre dans une cabane pour retourner en Espagne, Ceballos lui aime l’Angleterre. « José était beaucoup plus casanier que moi, je n’ai pas ce soucis, » affirme-t-il. « Ma carrière va durer 15 ans, et si je suis heureux sur le terrain, si je joue, le reste n’importe pas. »

Sa mère rejoindra bientôt la famille à Londres. Sa copine, qui finit son diplôme d’enseignement, prend des cours d’anglais avec lui. La TV est allumée en anglais uniquement. « Dans trois mois, je serai en mesure d’avoir une conversation. » Et le train de vie lui convient. La nourriture aussi – même s’il admet volontiers qu’il cache encore quelques jambons chez lui. Même la météo.

Facile à dire en Août; peut-être un peu moins en Février. Ceballos rit. « On m’a averti du froid. Mais j’aime le football ici, la façon dont ils le vivent et le respirent. Je n’ai jamais rien vu de tel. Vous jouez à l’extérieur et il y a au moins un millier de supporters qui vous soutiennent. »

« Je me fous qu’il pleuve ou neige. J’ai simplement hâte de jouer tous les trois jours à Noël. C’est une expérience formidable. »

« Je ne sais pas ce qu’il en sera dans un an mais je suis heureux aujourd’hui. Ils voient le même football que moi; j’aime leur façon de le voir. Ils vous respectent et vous permettent de vous sentir désiré en tant que joueur. Vous les applaudissez et ils vous le rendent. »

Et parfois ils chantent même votre nom alors que c’est votre premier jour.


Source

Articles liés