Say it ain’t so, Joe please – The Arsenal Stories

Dans ce nouvel épisode de nos chroniques, on vous emmène dans les années 40. Juste après la Guerre pour être précis. Une époque où la moitié du salaire journalier de Shkodran Mustafi suffisait pour recruter un joueur. Bah tiens s’il ne sait pas quoi foutre, il ne peut pas monter sa propre équipe le teuton ? 

C’est l’histoire d’un mec qui…. s’entraine à Liverpool mais joue pour Arsenal

Oui, oui. Vous avez bien lu. On ne se permettrait pas de juger un tel personnage dans l’histoire d’Arsenal. Un de ceux que l’on voit rarement et laisse leur empreinte dans le club où ils passent. Joe Mercer a laissé une réelle marque chez les Gunners dans les années 40. Une carrière de presque 10 ans avec le club du nord-est de Londres qui le vit prendre sa retraite à 41 ans. Mais surtout une carrière vécue entre deux villes. Et si on avait trouvé l’inspiration de Ledley King ? Le comble pour un joueur de Tottenham de s’inspirer d’une gloire d’Arsenal. En même temps, Sol nous aura permis d’accorder nos violons sur une chose : le poulet sera toujours dans l’ombre du canon. C’est l’histoire de la vie, non ?

Au sortir des années 30, Arsenal est le plus grand club d’Angleterre, et l’un des plus grands d’Europe également. Herbert Chapman, ça vous dit quelque chose ? Mort en 1934, le tacticien anglais marqua de son intelligence et de son ingéniosité le monde du football en proposant une révolution dont l’héritage se poursuit aujourd’hui. Et après lui, c’est George Allison qui prend le flambeau et perpétue ces traditions d’un football aussi dur que créatif. Wilf Copping, ça vous dit quelque chose ? Un dernier titre en poche en 1938, la guerre éclatant, le football en Angleterre est mis entre parenthèses entre 1939 et 1946. Ainsi, après un dernier titre remporté par Everton lors de la saison 1938/1939, le football anglais reprend ses droits en 1946/1947, une saison qui voit triompher les Reds de Liverpool.

Et Arsenal dans tout ça ? Au sortir de la guerre, l’équipe d’Arsenal est composée de jeunes talentueux mais aussi et surtout de vétérans de guerre, d’héros de guerre, et de héros du club. Les vieux briscards, Cliff Bastin, troisième meilleur buteur de l’histoire du club, et George Male, respectivement âgés de 34 ans et 36 ans, rechaussent les crampons pour deux saisons avant de prendre leur retraite. Malgré cela, beaucoup de figures importantes de l’histoire d’Arsenal composaient cette équipe : Ronnie Rooke, Denis Compton, Kevin O’Flanagan etc… Tant de noms inconnus pour la plupart qui mériteraient qu’on y consacre du temps. Tiens, on serait pas en train d’écrire une chronique là ? Ça tombe tellement bien.

Beaucoup de monstres d’Arsenal qui furent très vite éclipsés par l’arrivée de celui qui sera la vraie attraction du club et réel chouchou du public : Joe Mercer. Ce nom ne vous dit peut-être pas grand chose. A nous non plus, au départ. Mais il est celui d’un défenseur recruté pour à peine £9,000 en provenance d’Everton alors qu’il ne songeait qu’à prendre sa retraite et ouvrir son épicerie pour y couler une douce et paisible retraite. Quand on vous avait dit qu’il s’agissait de la moitié du salaire journalier de Mustafi, on ne vous avait pas menti ! La pillule est passée ?

Partenaire de Mercer dans les années 40 et 50, Laurie Scott en disait ceci : « Joe était un gestionnaire très malin. Il savait que quand il en aurait fini avec le football, il serait dans une situation financière très forte à sa retraite. Le truc c’est que Joe n’avait plus besoin de jouer au football d’un point de vue purement financier. Il a rejoint Arsenal parce qu’il aimait le football, et l’idée de rejoindre Arsenal lui plaisait beaucoup. »

Et c’est là que la magie du WTF de l’époque prend tout son sens et revêt ses plus beaux habits. En bon négociateur, George Allison se mêle du dossier. Et c’est bien lui qui persuade Joe Mercer de ne pas prendre sa retraite tout de suite et de venir jouer pour Arsenal. En tant qu’amoureux du football, et gestionnaire prévoyant, Mercer accepte. Oui, mais à une seule condition. Mercer restera toute la semaine dans le nord de l’Angleterre en utilisant les installations près d’Anfield pour s’entraîner et ne venir que le vendredi soir pour participer à la rencontre du weekend avec ses partenaires. Un peu étrange comme manière de fonctionner non ? Ça n’est effectivement pas si commun… Mais c’était surtout celui qui convenait à un joueur heureux de jouer au football car libéré du poids financier que représentait la vie après le football. Alors comme un accueil n’est jamais à négliger, Allison décida de le présenter à ses coéquipiers à sa manière.

« Je vous présente Joe, il nous rejoindra le weekend et jouera les matches avec nous les vendredi, vu qu’il est trop vieux pour s’entraîner toute la semaine. » Et alors que tout le monde rigolait, Joe y répondit : « Vous le prenez comme ça, je vais garder mes bonbons pour moi tout seul. »

« Complètement rincé mais encore tellement classieux »

Là encore, ce n’est pas nous qui le disons. On ne se permettrait pas d’insulter un tel personnage dans l’histoire d’Arsenal. C’est George Male, icône des années 30 à Arsenal, qui le disait alors que son nouveau coéquipier arrivait dans son nouveau club : « Mercer était le reflet de tout ce qu’était Arsenal à l’époque. Complètement rincé – autant que la tribune est qui avait besoin d’un bon coup de peinture à la fin des années 40 – mais encore tellement classieux. » 

Lorsque Mercer débarque à Arsenal – un vendredi donc – les Gunners sont à la lutte pour ne pas descendre en deuxième division. L’apport non-négligeable de Mercer afin de stabiliser la défense d’Arsenal permit aux Gunners de finir 12ème cette saison-là. Et cela est encore plus étrange lorsqu’on entend les commentaires de George Allison sur l’état physique de Mercer au moment de son arrivée: « Joe a gagné notre respect sur le terrain. Il avait les jambes arquées, les genoux soudés. Il ne pouvait à peine courir. Il n’avait pas de vitesse non plus, de toute façon. Mais il avait un don d’organisation et de stabilisation. Il me rappelait Bobby Moore, dans ce sens où il semblait toujours savoir où mettre et passer le ballon afin que les attaquants adverses soient éliminés, et sans jamais se mettre en danger. Les grands défenseurs savent ce qu’ils font, Joe était un grand joueur. » 

Et grâce à Mercer, entre autres, Arsenal passa de 12ème à l’issue de la première saison du championnat anglais post-guerre à champion d’Angleterre la saison suivante. Et dire que cela devait se faire sans Joe. Bah oui, on ne vous l’a pas dit ? Lui qui voulait devenir épicier dans le nord de l’Angleterre, Joe s’était engagé pour 12 mois avec Arsenal. Vous nous voyez venir ? Pourquoi parler d’un mec qui n’aurait fait qu’une saison à Arsenal en finissant 12ème du championnat ? Pas juste parce que c’était un épicier qui jouait défenseur le weekend ? Non, évidemment. Si Mercer s’était engagé pour un an, il finit par jouer plus de 7 saisons pour Arsenal. Une sorte de miracle si on en croit Laurie Scott : « Joe a joué jusque presque 40 ans. C’était presque du jamais vu à l’époque, d’autant plus que les attaquants continuaient à lui rentrer dedans et que les jambes de Joe avaient pris un sacré coup avec le temps. Ajoutez à cela, les douleurs des articulations mises à rude épreuve ne serait-ce que pour taper dans les ballons de l’époque, c’est juste incroyable. Il était sur le terrain chaque samedi et il était fier d’être le capitaine d’Arsenal chaque weekend. » 

Ça non plus, on ne vous l’a pas dit ? Oui, parce que Mercer prit très vite le brassard de capitaine après la retraite de George Allison en 1947 et la prise de pouvoir de Tom Whittaker. Une saison 1947/1948 qui fut exceptionnelle pour Arsenal qui finit donc par remporter le titre de champion d’Angleterre en terminant sur une nette victoire 8-0 face à Grimsby Town. Et au cours de cette rencontre, malgré l’insistance du public réclamant que Joe tire un pénaly accordé par l’arbitre pendant le match – We want Joe, we want Joe – Jimmy Logie le tira et le marqua, sans que Mercer ne fasse autre chose que de décocher un grand sourire.

La fin de Mercer à Arsenal donne beaucoup moins matière à sourire. Après une victoire en FA Cup face à Liverpool en 1950, et un autre titre de champion d’Angleterre en 1953, l’anglais décida de prendre sa retraite en Mai de cette même année. Malgré cela, il revint sur sa décision et reprit le chemin des terrains avec les Gunners cette même saison. Et la seconde fin est encore pire. En 1954, suite à un choc avec l’un de ses coéquipiers, Joe Wade, lors de la réception de Liverpool à Highbury, Mercer se brise la jambe à plusieurs endroits. Salué par la foule lors de sa sortie, ce match est donc le dernier que Mercer joua pour Arsenal. Ce moment commenté par Reg Lewis: « Il était une inspiration pour nous tous, un exemple de la façon de se comporter sur et en dehors du terrain. Il a toujours joué avec le sourire. Ce n’est pas une surprise qu’Arsenal ait connu une période compliquée après sa retraite. » 

Après le dernier titre de champion remporté par l’équipe de Joe Mercer en 1953, Arsenal dut attendre la saison 1970/1971 afin de remporter un quelconque titre.

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