Une identité se délite, les supporters grondent: ambiance délétère dans le nord-est de Londres

Petit à petit, cet Arsenal fort que nous connaissions est en train de se déliter. Doucement mais sûrement sous la houlette de Kroenke fils, Raul, Edu et Emery. Dans ce marasme, certains visages en sont les symboles. 

Une nomination qui se voulait ambitieuse

Vous vous souvenez de cet homme ? Si si, on vous assure, le chauve le plus connu du nord-est de Londres après Senderos a fait un passage remarqué à Arsenal. Arrivé en 2009, il a surtout permis dans ces dernières années en tant que directeur exécutif du club d’entamer une profonde refonte des institutions des Gunners. Lui qui a fait venir Raul Sanllehi – qui a depuis pris sa place – ou encore Sven Mislintat – qui est depuis retourné en Allemagne – a surtout été l’architecte de la passation de pouvoir entre le départ annoncé d’un Wenger en perte de vitesse et le choix très prometteur d’Unai Emery pour revivifier le club autour d’une philosophie globale ambitieuse. Vous riez jaune, là ? Nous aussi. On sent le sourire crispé.

Au moment de la nomination d’Emery, beaucoup de supporters étaient heureux. Il faut le dire, nous aussi. L’annonce de l’arrivée d’un entraineur d’envergure permettait au club de frapper un gros coup et de rassurer sur la puissance et la renommée intactes d’Arsenal sur la scène européenne. C’était au départ. Parce que les ambitions affichaient une envie de capitaliser sur ce qui était bâti et de répondre au challenge sportif afin de retrouver très vite les sommets. Ce choix de nommer Unai avait semble-t-il été réfléchi de la part de toute la direction. David Ornstein nous apprend dernièrement qu’Unai Emery avait remporté la bataille des 8 coachs qui étaient sur la short-list finale des dirigeants à l’époque. Vous vous souvenez de la supposée magnifique présentation Powerpoint de dingue que le basque avait réalisé sur l’ensemble de l’effectif et plus ? Je suis certain que le livreur des bouteilles d’eau vendues à la buvette dans le stade figurait quelque part dans son doc de présentation. Et ça a fait son effet. De cette short-list – dans laquelle figuraient également Lopetegui, Arteta, Allegri, Vieira, Sampaoli, Henry et Rangnick – ce fut Unai qui remporta le gros lot.

A l’époque de sa nomination, Raul Sanllehi était certain de ce choix, un choix unanime et confirmé par tous au sein des décisionnaires sportifs à Arsenal. Il affirmait même ceci au Telegraph en novembre 2018: « Il y avait du très haut niveau mais unanimement nous étions d’accord, chacun d’entre nous, dès le premier tour que Unai Emery était la personne qui idéalement pourrait répondre à tous les critères que nous désirions pour mener notre nouveau projet. » Unanimes ou non, le nom d’Emery ne figurait pas dans la liste originale étudiée par la direction, et son nom fut souflé à l’oreille des dirigeants par un agent, maintenant bien connu par le club.

Il serait évidemment facile de cracher aujourd’hui dans la soupe et de dénoncer après coup une mauvaise gestion de l’après-Wenger au poste de manager. Factuellement cependant, ce sont les dirigeants d’Arsenal qui ont choisi Emery pour mener le renouveau d’Arsenal.

Entre conte et comptes

On pensait commencer ce paragraphe en disant qu’Unai divise. Mais d’abord ce serait sans doute un doux euphémisme que de dire ça. Et ensuite, nous ne sommes pas certains de pouvoir encore trouver contradicteurs qui viendraient soutenir le basque tant les fans semblent unanimes à son sujet aujourd’hui. Pourtant tout le monde croyait au conte de fées en août 2018. Parce que si les hommes d’Emery avaient entamé sa première saison par deux défaites, des idées semblaient se mettre en place et un souffle nouveau semblait être enfin apporté après des mois d’inertie complète sous Wenger. Les deux premiers matches face à de meilleures équipes, plus solides et plus organisées, nous avaient néanmoins permis de déceler des schémas de jeu, des envies et une philosophie, là encore ambitieuse et qui collait parfaitement au choix effectué par les dirigeants. Un Emery qui demandait beaucoup d’abnégation et de travail, un pressing haut et posait sa patte, celle qui tendait à vouloir faire de ses équipes les acteurs de chaque match. Une image résume à elle seule, ce qu’il reste aujourd’hui de ce joli conte de fées.

Il y a un an, l’Emirates chantait la gloire d’Emery et de l’identité retrouvée d’Arsenal : »We’ve got our Arsenal back! »… L’histoire est bien différente aujourd’hui. C’est un Arsenal sans saveur que les fans des Gunners doivent se contenter de suivre de semaine en semaine. Ce qui frappe le plus c’est cette incapacité à installer une stabilité défensive, à instaurer des schémas de jeu solides et connus et à faire vivre son équipe. Les cas individuels seront évoqués plus tard, mais collectivement, Arsenal est aujourd’hui pitoyable. Sans réelle arme collective, tout se fait à l’énergie. Quand cela suffit. Contre Sheffield, l’énergie n’a pas suffi à éviter la défaite. Contre Watford, elle n’a pas non plus suffi à faire autre chose que de concéder un nul à l’issue d’une rencontre qui reste l’une des plus affreuses rencontres d’Arsenal cette saison. Il manque aujourd’hui à Emery une preuve qu’il est une réelle plus-value sportif et un upgrade clair à Wenger. Parce qu’après le départ de Wenger et les critiques qui s’abattaient contre lui lors de la saison 2017/2018, les mêmes devraient pleuvoir sur un entraineur qui en arrive à détruire 22 ans  d’identité de jeu d’un club entier.

Et malgré un niveau de jeu abyssal, il y a quelques jours, Emery défendait le bilan d’une équipe miraculeusement 5ème du championnat et toujours en tête de sa poule en Europa League: « Parfois, on oublie vite les souvenirs, mais il faut s’en rappeler. Quand je suis arrivé l’équipe devait s’améliorer et devenir plus compétitive. »

« L’année passée, j’ai commencé à permettre à l’équipe d’être plus compétitive, plus créative avec de très bons matches réalisés par cette équipe. Cette année, nous sommes dans un processus qui vise à aller encore plus loin, mais qui demande de la patience parce que notre stratégie en tant que club est de faire venir de nouveaux joueurs et d’incorporer des jeunes. » 

« Nous sommes compétitifs. Il nous manque quelque chose sur le plan de la créativité mais je sais que ça reviendra et nous l’avons montré contre Nottingham, le Standard de Liège et Francfort. » 

« Mon envie est de devenir compétitifs, de retrouver la créativité et d’y arriver. C’est un processus avec de jeunes joueurs, soyez patients! »

Une semaine plus tard, ces observations semblent de moins en moins justifiables et la patience n’est plus de mise. Enfin pour les supporters seulement. Parce que l’on apprend aujourd’hui, encore une fois grâce à David Ornstein, qu’une réunion s’est tenue entre Josh Kroenke et Unai Emery après le match face à Crystal Palace et que le fils de Stan a renouvelé sa confiance à Unai Emery. Pour l’instant… Le sentiment général autour du club n’est pas des plus réjouissants pour un Unai qui commence à sentir le vent souffler derrière sa nuque. Malgré la confiance de sa hiérarchie, il règne au sein de la direction un consensus général sur le fait que la balle est entièrement dans le camp du manager basque afin de faire progresser l’équipe et d’inverser la dynamique. Parce que l’effectif actuel d’Arsenal, façonné par Edu et Sanllehi, est aujourd’hui prêt à jouer le podium d’une Premier League, encore une fois assez ouverte. Les attentes sont là, les résultats pas encore. Emery aura-t-il la possibilité de redresser la barre ?

Le retour en grâce d’un sauveur, l’abattage d’un bouc-émissaire ?

A vrai dire, Unai pourrait encore résister quelques mois, voire tenir jusqu’à la fin de la saison. Arsenal n’est traditionnellement pas le premier club à dégoupiller quand il s’agit de prendre des décisions fortes et remplacer son entraineur. Même si cela lui était bénéfique. En même temps, difficile de parler de tradition dans le domaine lorsque l’on sort de 22 ans de règne d’un homme, vous me direz, et vous n’aurez pas tort.

Au-delà de sa gestion sportive désastreuse d’un point de vue collective et de son absence de faculté à mettre en place quelque chose de cohérent, Emery paie aujourd’hui la gestion douteuse de certains cas, parfois de sa part, parfois de celle du club entier. Deux joueurs illustrent la rupture qui s’installe petit à petit entre Emery et les supporters: Mesut Özil et Granit Xhaka. Rien n’est ni tout blanc, ni tout noir dans les deux cas. Mais les deux joueurs concentrent toute la frustration et la colère de nombreux supporters.

Que le club décide d’une stratégie vis-à-vis d’un joueur est, en soit, tout à fait logique tant qu’elle est décidée en accord avec le manager. Cependant, le choix de laisser Mesut Özil de côté est petit à petit en train de se retourner contre Unai Emery. La saison passée aussi, l’allemand avait vécu un exercice compliqué, alternant entre moments étincellants en titulaire à Arsenal, et périodes où il ne jouait pas du tout. Cet été, le message passé par la direction sportive du club était claire: rationnalisons la grille salariale et vendons les gros salaires du club. Si certains sont partis, Mesut n’avait pas trouvé preneur. Mis au placard depuis, l’Allemand est sans doute l’un des joueurs qui engrange le plus de sympathie de la part des fans depuis des semaines. Si les résultats sportifs permettaient à Emery de justifier de tels choix, l’an passé, ce n’est plus le cas cette saison. Et tandis que son équipe peine à retrouver une philosophie et une cohérence dans la construction, l’un de ses joueurs les plus talentueux croupit sur le banc. Réclamé par la foule, Mesut ne joue toujours pas. Pire, la plupart du temps, il n’est même pas sur la feuille. Et comme tant de problèmes ne suffisaient pas, dimanche dernier, face à Crystal Palace, une chanson à la gloire du meneur allemand résonnaient et vener enterrer définitivement les positions d’Unai et du club son sujet. D’abord choix fort de l’entraineur et de la direction, la communication autour du cas Özil fragilise aujourd’hui un Emery dont le sort est lié à celui de son meur. C’est Mesut ou Unai ! Mais Mesut n’est pas la solution aux maux d’Arsenal. Le croire serait bien trop naïf. Il n’est qu’une autre option au profit d’un mal plus profond, structurel, tactique et collectif. Özil profite tranquillement d’un marasme qu’il vit sur le côté, sans en être l’acteur principal.

Bouc-émissaire ou non, Granit Xhaka est celui qui subit le plus la colère des fans et la prend de plein fouet. Décrié à juste titre, le Suisse est décevant depuis des mois. Sa nomination en tant que capitaine d’Arsenal n’avait pas fait l’unanimité auprès des supporters. Ses prestations sportives les ont convaincu de la nécessité d’écarter le milieu de terrain. Pourtant soutenu par tous ses coéquipiers, Xhaka a été pris en grippe par des fans qui poitent du doigt son incapacité à se gérer et à se montrer leader exemplaire d’une équipe qui manque cruellement d’un capitaine de navire. Et au cours d’une rencontre déprimante face à Palace, Xhaka s’est illustré de la pire des manières envers les fans.

Ne jetons par la pierre au Suisse. Le comportement des supporters qui ont hué et sifflé le milieu de terrain est des plus déplorables. Nous ne pensions pas que l’ambiance désastreuse autour du club en arriverait à voir l’Emirates entier siffler l’un des siens de la sorte. Mais la sortie du capitaine d’Arsenal n’aura pas été des plus respectueuses non plus de l’institution. En prenant le plus de temps possible et en montrant des gestes de provocation et d’agacement envers le public, le Suisse aura enlevé son maillot et filé aux vestiaires dès sa sortie du terrain. Pas exemplaire pour un capitaine.

Rappelant tout le respect que les joueurs doivent aux supporters, Emery a affirmé, en conférence d’après-match, que le comportement de son capitaine était inacceptable et qu’il en discuterait directement avec lui. Et bien qu’appelant à l’unité, tout comme ses joueurs, la question du retrait du brassard à Xhaka est nécessairement posée.

Xhaka paie aujourd’hui, les incohérences d’un système collectif qui ne lui permet pas d’être au niveau qui pourrait être le sien. En difficulté depuis des semaines, le Suisse est la cible principale des attaques de supporters lassés de le voir sur le terrain d’une semaine sur l’autre. S’entêtenant dans ces choix, Emery se coupe de plus en plus d’une grande partie des supporters qui ne comprennent pas ses décisions. Une absence de cohérence qui se ressent même au niveau de certains joueurs qui semblent discuter la légitimité d’Emery comme manager d’Arsenal.

Et comme les joueurs, les fans semblent avoir besoin d’une figure légitime. Tiens, on en n’aurait pas une au club justement ?

Donner les manettes à un autre chauve… Beaucoup plus compétent

Ne serions-nous pas en train de partir dans du foot fiction ? Non pas vraiment. Parce qu’il a été déjà été évoqué, par le toujours bien informé David Ornstein, que les dirigeants pensaient sérieusement à donner les clés du camion à Freddie Ljungberg s’il devait arriver quelque chose à Unai Emery en cours de saison. D’où cette interrogation. Ljungberg ne serait-il pas tout ce qu’attendent les supporters et les joueurs d’Arsenal ?

Nous l’avons assez répété, Arsenal est désastreux collectivement cette saison. Plus les semaines avancent, plus cette réalité est palpable et prend de l’ampleur. Et avec elle, le mécontentement de beaucoup. Pour ne pas dire de tous. En cause, si on en croit certaines infos, une incapacité réelle pour Emery à faire passer ses idées auprès de joueurs qui n’arrivent pas à comprendre ce que leur demande leur entraineur. En découle, une incompréhension complète et un vestiaire qui se divise petit à petit au sujet de son entraineur. Aujourd’hui, une partie du vestiaire aurait laché Emery pour deux raisons simples: l’absence de phislopshie et de cohérence d’idée, et l’impossibilité de comprendre des consignes imprécises et contradictoires. Si une majorité de cadres semblent encore soutenir leur entraineur, la question du temps que possède encore Emery est nécessairement soulevée.

Si certains pensent déjà que Ljungberg pourrait prendre la place d’Emery dès cette semaine, il n’en demeure pas moins qu’Unai est toujours là. Mais aujourd’hui, beaucoup semblent intéressés à l’idée de promouvoir la légende du club jusqu’à la fin de saison. Casse-gueule ? Peut-être. Sans doute un peu. Mais tous se basent sur les échos élogieux qui saluent unanimement le travail du suédois, notamment à l’égard des jeunes de l’équipe. Allant un peu plus loin, d’autres pensent que Freddie est déjà en charge de l’équipe pour les matches de coupe au cours desquels beaucoup de jeunes jouent et qui semblent aujourd’hui les seuls moments appréciables pour tout supporter d’Arsenal en octobre 2019.

Sans même adhérer à ces théories, il est incontestable d’affirmer que Freddie est devenu indispensable à la direction sportive d’un club qui tend à promouvoir sa jeunesse et l’intégrer de manière durable dans la réussite du club à long-terme. Et dans cette logique, la réussite de Frank Lampard avec la jeunesse formée à Chelsea laisse rêveur. Et nous pouvons le comprendre. Ce dont a aujourd’hui besoin Arsenal est avant tout d’une figure à laquelle s’identifier, un personne qui fait l’unanimité auprès des supporters et dont la légitimé gagnée en tant que joueur lui permettra d’avoir le temps et la calme dont ce club a besoin. Faire venir une telle légende était déjà dans les débats au moment du départ de Wenger. Nommer Freddie ferait alors tout à fait sens. Les dirigeants ne seraient-ils pas trompés de chemin en nommant Emery ?

Apprécié et salué par beaucoup, Freddie pourrait être la solution logique pour mener une jeune équipe d’Arsenal et calmer des supporters en quête d’une identité à retrouver.

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