Vous êtes plutôt Joey Barton qu’Andrea Pirlo ? Plutôt Bill Laimbeer que Robert Parish ? Plutôt Goliath que David ? Cet article est fait pour vous, chers esthètes du ballon rond. Pour les autres, autant prévoir l’advil tout de suite.
L’histoire de l’arrivée de Wilf Copping chez les Gunners est celle d’une métamorphose. D’un changement profond. D’un échec qui accéléra la mise en place d’une nouvelle approche dans le style. L’histoire d’un recrutement post-mortem, voulu par Herbert Chapman, concrétisé par son successeur George Allison.
On change bien une équipe qui gagne, non ?
Lorsqu’il débarque dans le Nord-est de Londres, Wilf prend ses quartiers dans un club triple champion en titre. Herbert Chapman était passé par là. Depuis 1925, le manager anglais avait fait montre d’une énorme faculté de compréhension des règles du jeu et de ses modifications. Et épaulé par son fidèle capitaine de l’époque, Charlie Buchan, le tacticien avait installé un système de jeu en 3-4-3 révolutionnaire. Ce système en WM – nommé ainsi en raison du positionnement des joueurs sur un terrain qui donnait l’impression d’y voir ces lettres – est resté comme l’une des plus grandes révolutions tactiques que le foot ait connu.
Et grâce à ce système, Chapman avait fait de son Arsenal, l’équipe la plus dominatrice du début des années 30. Malgré cela, la saison 1933/1934 fut dure pour des Gunners que l’on décrivait alors comme trop gentils. Chapman décida alors de changer quelque peu le style de l’équipe.
En fait, c’est en 1933 que la pensée prit forme dans l’esprit du manager d’Arsenal. Une défaite à Walsall en fut le détonateur. En 1933, Arsenal se rend chez les actuels Saddlers – alors pensionnaires de troisième division – pour y jouer un troisième tour de FA Cup. Minée par les blessures, l’équipe d’Arsenal est contrainte de se présenter avec une équipe constituée en partie de très jeunes joueurs sans aucune expérience. Arsenal se fait marcher dessus. Se fait rentrer dedans. Se fait chahuter par un public très hostile aux visiteurs du jour. Tommy Black, l’un de ces jeunes inexpérimentés lancés par Chapman fut à la peine, et concéda même un pénalty qui scella la victoire 2-0 des locaux.
Dès la fin de son match, et malgré une attitude des plus respectables en public, Chapman convoqua Tommy Black et lui annonça violemment qu’il ne rejouerait plus pour Arsenal. Dans la foulée, l’entraineur contactait son assistant pour entamer son processus de refonte de l’équipe. L’un des joueurs ciblés était un défenseur méconnu de Leeds.
A la mort de Chapman, Allison reprend l’équipe et recrute Wilf Copping.
« Le premier à effectuer un tacle ne se fait jamais mal »
Comment mieux résumer l’état d’esprit de Wilf Copping ? Copping était un enfant issu d’un milieu très modeste, ouvrier, né de parents qui ont souffert lors de la première Guerre Mondiale. Toute la famille a travaillé à la mine. A l’âge de 14 ans, Wilf travaillait lui-aussi à la mine. Et même après avoir signé son premier contrat professionnel, celui que l’on surnomme ‘Iron Man‘ continuait de faire parler son sens du devoir et de filer, de temps en temps, un coup de main à la mine.
Ce parcours de vie lui forgea un caractère de fer. Un mental à toute épreuve. Surtout, il se façonna une réputation de travailleur acharné et de footballeur détesté sur les terrains. A la fin de ces épuisantes journées de travail à la mine, Copping rentrait manger et ressortait jouer au football pour affronter ceux qu’ils considéraient comme ayant une vie beaucoup trop facile. Recruté par Leeds en 1929, en provenance de son championnat local du Yorkshire, poursuivit la construction de son statut de footballeur méchant. En 1932, son entraineur de l’époque décida de recruter trois nouveaux joueurs. Après 40 minutes de jeu en entrainement de pré-saison, deux d’entre eux avaient été blessés par Copping. Résultat ? 6 mois d’indisponibilité et un retour prévu à la nouvelle année.
C’est donc ce marathonien, spécialiste des gentils coups d’épaule, tout autant que des tacles avec les deux pieds, qui posa ses valises à Highbury. De quoi parfaitement entamer une transition voulue par Chapman afin de faire de cette équipe, un groupe répondant aux exigences physiques imposées par les adversaires et supportant la pression.
A Arsenal, Copping forma une duo redoutable avec Jack Crayston. Les deux joueurs, positionnés en tant que left half et right half, furent surnommés ‘La Belle et la Bête’. On ne vous fait pas l’offense de vous préciser le rôle qu’occupait Copping dans ce binôme. Un duo redouté alliant puissance, physique et technique. Copping était un chien de garde sur le terrain. Si redoutable que l’un des entraineurs au sein du staff de George Allison était chargé de contenir Iron Man. Et pour entretenir cette méchanceté, Copping avait plusieurs rituels avant chaque match. L’un d’eux était de ne jamais se raser les jours de matches pour ajouter un petit plus à son image de bad ass, selon ses propres dires. Une autre des ses superstitions était d’être placé sixième dans le rang des joueurs à la sortie du tunnel. Ted Drake tenta, à ses dépens, de faire une farce à Copping et de lui prendre sa place dans la ligne. Drake dut reprendre sa propre place dans ligne après que Copping l’ait attrapé par le cou en le menaçant de l’assommer s’il reprenait à nouveau sa place.
Malgré tous ces gentils détails, Wilf Copping fut un acteur prépondérant des Gunners lors de sa première saison. Une première saison couronnée par un nouveau succès en championnat. Le quatrième d’affilée. Et la marque de fabrique principale de la victoire de cette équipe était sa faculté à l’emporter à l’extérieur sur des terrains plus qu’hostiles. « Le Club de la banque d’Angleterre » était alors le nouveau surnom d’une équipe décrite par ses supporters, notamment à Manchester comme « arrogante, riche », une équipe de « bâtards du Sud ».
« J’ai vu des centaines d’hommes grimper au-dessus des barrières, pousser la police et dévaler sur le terrain… avec l’intention de faire du mal à cette équipe d’Arsenal, et son parfait maillot rouge et blanc. » – G.Scott
L’un des moments les plus frappants dans la carrière de Copping à Arsenal fut sans aucun doute le déplacement de son équipe sur le terrain de Goodison Park lors de la première saison du joueur chez les rouge et blanc. Face à un foule hostile qui n’eut de cesse d’insulter les joueurs d’Allison, Wilf Copping décide de venger l’équipe toute entière. L’une des plus grosses victimes de Copping fut Jack Coulter. Le joueur d’Everton qui n’avait au d’autre idée que de rire aux insultes de ses propres supporters envers les visiteurs, vit arriver un Copping gonflé à bloc qui ne fit pas le voyage pour rien. Un tacle musclé, effectué dans les règles de l’art, mais jugé non répréhensible par l’arbitre du jour. Coulter décida d’entrer dans le jeu de Copping et se vengea lui-aussi en réalisant un tacle qui coupa en deux le protège-tibia du joueur d’Arsenal. Encore une fois, vous fait-on l’offense de vous dire qui eut le dernier mot ? Tout ce que l’on peut vous dire c’est que 5 minutes plus tard, on retrouvait Jack Coulter au milieu du terrain, les bras et jambes écartées, à moitié conscient, à la suite d’un choc avec Copping.
Pendant les quatre saisons suivantes, Copping joua parfaitement le rôle de Terminator qui était le sien. Iron Man permit aux siens d’emporter le championnat en 1935 – sa première saison – mais aussi en 1937/1938. A cela, s’ajouta également une FA Cup remportée lors de la saison 1935/1936. Et dans rôle de ratisseur, Copping était parfait. Il devint même l’instigateur d’un jeu de contre-attaque dévastateur qu’Arsenal installa petit à petit.
Aller à la guerre, au sens figuré comme au sens propre
La carrière de Wilf Copping à Arsenal prit fin en 1939. Au cours de la saison 1938/1939, la seconde Guerre Mondiale éclatant, Copping se décida à rallier à nouveau le Nord du Pays afin d’échapper à la conscription. Interrogé par Ted Whittaker, l’un des entraîneurs présents dans le staff d’Allison à Arsenal, Copping expliqua sa décision: « Je sens que la guerre approche, et je veux faire revenir ma femme et mes enfants dans le nord avant de rejoindre l’armée. »

Copping finit la saison 1938/1939 à Leeds, mais la guerre éclata en septembre. En moins d’un an, le championnat était suspendu et les hommes envoyés dans l’armée. Copping était de ceux-là. Promu sergent-major, envoyé en Afrique du Nord, Copping se résolut à prendre sa retraite en 1942.
Et même à l’armée, Iron Man faisait montre d’une poigne de fer : « Je n’ai pas le temps de prendre en charge des paresseux ou des moufles.«